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Sirix
Comme ses vaisseaux de guerre approchaient de Llaro, Sirix prépara l’attaque contre le spécex et sa sous-ruche. À cause de leurs ressources limitées, ses camarades et lui allaient mener un assaut d’un genre nouveau. Plus direct, il représentait un risque mortel, mais c’était également un retour aux sources, la raison première pour laquelle les robots noirs avaient été créés.
Alors que la flotte entrait en orbite, QT indiqua avec obligeance :
— J’ai téléchargé les informations relatives aux activités humaines : leurs équipements, leurs unités de production industrielle. Je peux vous faire un résumé si vous voulez.
— Leur colonie ne m’intéresse pas. Ma seule préoccupation est l’infestation klikiss. Nous les détruirons, comme nous l’avons fait des autres sous-ruches que nous avons rencontrées. La présence humaine ne présente aucun intérêt.
La nuée de capteurs longue portée montrait une sous-ruche florissante, exactement comme Sirix l’avait escompté. Des tumulus et des tours fraîchement érigés s’élevaient sur dix étages. Les anciennes ruines, où s’amoncelait le matériel, grouillaient d’ouvriers. Un transportail tout neuf se dressait à ciel ouvert non loin d’un village humain. Toute la végétation des alentours avait été rasée. Sirix en déduisit que le spécex s’apprêtait à fissionner. D’autres sous-ruches n’allaient pas tarder à l’imiter à travers tout le Bras spiral, en vue de s’affronter. Sirix les arrêterait partout où il le pourrait.
— Leurs défenses sont importantes, dit DP.
— Ainsi que leurs effectifs, ajouta QT.
— Nous serons prêts à les combattre.
Sirix s’était convaincu d’avoir raison. Lors des attaques précédentes, il avait préféré opérer à distance respectueuse en déployant des batteries de jazers, des missiles guidés et des têtes nucléaires. Aujourd’hui, il s’apprêtait à lancer un assaut au sol. Son arsenal embarqué comprenait des fusils jazer, d’autres armes à impulsion, des étourdisseurs à haute énergie et des lance-roquettes portatifs.
Sirix répartit les armes de poing parmi ses troupes : près d’un millier de robots noirs, et le double de compers Soldats. On avait retiré les systèmes de sécurité aux débarqueurs afin de pouvoir descendre à la vitesse d’une balle, heurter le sol dénudé et se ruer sur la cité klikiss. La sous-ruche ne résisterait pas à cette charge furieuse.
Sirix fit la descente dans un débarqueur vibrant et rugissant à côté de DP et QT. Il savait que les deux compers étaient de bons combattants, mais il les emmenait surtout pour leur montrer la nature épouvantable des Klikiss. Et afin qu’ils se rendent compte, par cette bataille, de l’ampleur qu’avaient prise les guerres anciennes entre les robots noirs et leurs créateurs. Les deux compers captifs se montraient réceptifs à ce genre d’apprentissage.
Telle une pluie de météores, les robots touchèrent terre non loin des murs de la colonie humaine. Malgré la rudesse de l’atterrissage, Sirix recouvra aussitôt son équilibre, ouvrit l’écoutille et en émergea, flanqué de ses deux compers. Robots noirs et compers Soldats se déversaient des débarqueurs, lourdement armés.
Marchant en ordre de bataille, ils ouvrirent le feu sur les cibles à leur portée. Éclaireurs, moissonneurs et techniciens périrent par centaines. Les Klikiss crissaient et sifflaient alors que les assaillants demeuraient silencieux, progressant mètre par mètre, plus rapidement que l’esprit de la ruche ne pouvait réagir.
En amont, le grand transportail se dressait devant la cité klikiss. Sirix supposa que le spécex avait peut-être envoyé de nombreux guerriers sur d’autres planètes afin d’établir des sous-ruches supplémentaires ou d’éradiquer des rivaux. Il discerna, bien en vue au milieu des édifices bâtis de neuf, la résidence trapue de l’esprit de la ruche : sa cible principale.
Il remarqua sans surprise que la barricade entourant la colonie humaine était de fabrication manifestement klikiss. Des individus à la mine terrifiée avaient grimpé au sommet de l’enceinte par des échelles de fortune et observaient la charge des robots noirs. Le spécex retenait ces colons comme dans une nasse. Sirix ne comprenait pas pourquoi : s’agissait-il pour les Klikiss de maintenir les humains à l’écart, ou avaient-ils un dessein particulier ? Comment les humains pouvaient-ils avoir une quelconque utilité ?
Des centaines de guerriers klikiss bardés d’épines affluèrent, certains en volant, pour s’efforcer de constituer une ligne de défense. Sans se soucier de leur propre survie, ils se jetèrent sur les premiers rangs de compers Soldats. Ils tombèrent en masse sous le tir de barrage de jazers et de roquettes.
Mais leur rapidité était telle que beaucoup purent s’approcher des compers avant d’être abattus. Ils les terrassèrent et enfoncèrent les lignes de robots noirs, qu’ils disloquèrent. Sirix s’abandonna au combat. Puis il aperçut l’un des accouplants émergeant de derrière le mur vivant de guerriers klikiss, et envoya un signal à ses troupes :
« Détruisez l’accouplant. C’est une priorité absolue. »
L’armée de métal progressa vers l’entrée bien défendue de la bâtisse du spécex, causant une véritable boucherie. Quatre robots noirs encerclèrent l’accouplant. Ils frappèrent encore et encore, jusqu’à ce qu’enfin l’imposante créature zébrée d’argent et de noir culbute en avant… Une grande victoire.
DP et QT marchaient au côté de Sirix ; leurs armes faisaient un nombre impressionnant de victimes. Les capteurs optiques de QT se tournèrent en direction de l’enceinte d’où les humains impuissants observaient la bataille. Ses paroles firent sursauter Sirix :
— Regardez, les colons ont des compers, eux aussi.
Le robot noir fit pivoter sa tête anguleuse et aperçut deux compers au milieu des humains horrifiés. Le premier était un modèle Institutrice, l’autre un Amical. Et celui-ci lui rappelait quelque chose. Sirix s’immobilisa.
— DD !