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Ridek’h l’Attitré d’Hyrillka

 

Le cercle était bouclé. Les croiseurs d’escorte du tal O’nh avaient enfin achevé la grande tournée de l’Agglomérat d’Horizon. Ils avaient fait escale sur Shonor, Alturas, Garoa, et tous les autres mondes séduits par le thisme corrompu de Rusa’h, et qui portaient encore les cicatrices de la rébellion.

Ridek’h se rendait compte à présent que le Mage Imperator avait voulu faire de ce pèlerinage bien davantage qu’une parade politique. Au cours du voyage, le spectacle d’Attitrés plongés dans le désarroi, aux prises avec des défis tout aussi difficiles que ceux qu’il avait lui-même relevés, lui avait beaucoup appris. Même s’il n’était encore qu’un adolescent, Ridek’h avait aujourd’hui une plus grande confiance en lui, une volonté d’affronter ce qui l’avait terrifié auparavant, et le sentiment d’avoir la capacité d’agir comme on l’exigeait de lui. Il bénéficiait de l’aide d’O’nh ainsi que du travail et du dévouement du peuple ildiran. Son peuple. Le garçon n’était pas seul après tout, il n’était pas faible. Il ne capitulerait pas.

Tal O’nh ramenait sa flotte sur Hyrillka, le monde que le jeune Ridek’h devrait diriger si l’équipe scientifique jugeait la planète sans danger pour le retour d’une scission. Le garçon avait vu de ses propres yeux les faeros et les hydrogues combattre dans le soleil principal d’Hyrillka, et le climat planétaire s’altérer à mesure que l’astre mourait. Il avait lui-même donné l’ordre aux habitants de faire leurs bagages et d’évacuer. Aujourd’hui, il espérait que les membres du kith des savants déclareraient la planète prête pour la recolonisation.

Toutefois, quand les croiseurs lourds l’atteignirent, ils découvrirent le campement scientifique anéanti. La capitale partiellement reconstruite avait été consumée dans un feu infernal. La flotte survola avec précaution le sol cautérisé, tous ses systèmes en alerte. Les édifices étaient réduits à quelques charpentes carbonisées. Le camp avait été incinéré si vite que les abris n’étaient plus que des silhouettes cendreuses.

— Que s’est-il passé ici ? cria Ridek’h.

Le vieux tal, un joyau enchâssé dans une de ses orbites, scruta les écrans.

— C’est évident : les faeros. Daro’h, le Premier Attitré, nous a avertis du danger.

Ridek’h s’assit à côté du commandant vétéran.

— Montrez-moi le palais-citadelle, l’ancienne résidence de Rusa’h. Ont-ils pu le détruire aussi ?

Bientôt, les images lui apportèrent la réponse : le palais-citadelle était noir et vitrifié, effondré. Même les pierres avaient fondu.

Ridek’h ne comprenait pas la raison pour laquelle les entités ignées avaient brûlé tant de bâtiments, de monuments, et une poignée d’inoffensifs chercheurs.

— Ils ne peuvent pas tous avoir succombé. Ils ne peuvent pas ! (Il se retourna vivement vers le poste de communication, puis jeta un coup d’œil à son mentor, qui acquiesça d’un signe de tête.) Transmettez sur toutes les fréquences.

Sa voix sembla trop haute et trop fluette à ses oreilles, mais il se rappela qu’il était l’Attitré :

« Ici Ridek’h, l’Attitré d’Hyrillka. Je m’adresse à quiconque écoute ce message. Veuillez répondre. »

Une voix bizarrement familière éclata dans les haut-parleurs du centre de commandement. Le garçon colla les mains sur ses tempes.

« Ainsi, le nom de l’usurpateur de mon titre est Ridek’h. Un enfant. (L’écran sembla s’enflammer, et un visage apparut dans le rideau de feu ondulant. Rusa’h !) Tu n’es pas le véritable Attitré d’Hyrillka. J’étais venu recueillir de nouveau mes sujets dans mon thisme, mais ils sont tous partis. Les quelques chercheurs que j’ai consumés ont à peine suffi à aider les faeros. »

— Localisez la source de la transmission, cria O’nh. D’où vient-elle ?

— Bolides faeros droit devant, tal !

Cinq ellipsoïdes enflammés se ruaient sur eux en vrombissant.

— Activez les mesures défensives. Trajectoire d’évasion éclair. Accélération maximale.

Ridek’h était devenu pâle. Il se tourna vers le commandant :

— Dois-je lui répondre ? Que dois-je dire ?

— Il n’y a rien à dire, Attitré. Nous devons partir.

Ridek’h se redressa, se raccrochant à ce qui lui restait de courage.

— Mais c’est Hyrillka. Ma planète. Il a attaqué mon peuple !

— Il est dément, et ligué avec les faeros. Il n’y a rien à faire, sinon vous mettre en sûreté. Voilà ma priorité.

Tels des boulets de canon géants, les vaisseaux élémentaux foncèrent sur les croiseurs qui accéléraient. Le garçon se rappela la violence de la bataille dans le soleil d’Hyrillka. Si les faeros avaient le pouvoir de détruire un orbe de guerre hydrogue, les bâtiments de la Marine Solaire n’auraient aucune chance contre eux.

Les croiseurs lourds quittèrent l’atmosphère d’Hyrillka. La manœuvre d’évitement inclina dangereusement la passerelle, et Ridek’h culbuta contre le poste de commandement. Ils s’élancèrent dans l’espace, mais les faeros continuèrent à les poursuivre.

« Revenez-moi ! »

Les paroles de l’Attitré fou les atteignirent comme la langue d’un lance-flammes, mais le tal n’en tint aucun compte.

— Préparez la propulsion interstellaire dès que le chemin sera dégagé ! cria O’nh.

Personne ne savait si un bolide faero pouvait rivaliser avec l’hyperpropulsion ildirane. En fait, on ne savait pas grand-chose sur eux.

Les faeros avalaient la distance qui les séparait des bâtiments de la Marine Solaire. Des tirs brûlèrent les coques anodisées des croiseurs, dont les systèmes en surcharge accusèrent le coup. L’un après l’autre, les moteurs endommagés calèrent. Mais les croiseurs poursuivaient leur course avec ce qui leur restait de puissance. Les artilleurs de la Marine Solaire tiraient des projectiles, des faisceaux énergétiques et des missiles explosifs, mais rien de tout cela n’avait d’effet sur les vaisseaux élémentaux.

Ridek’h ignorait comment ils parviendraient à s’échapper. Il serra les paupières pour tenter de trouver le Mage Imperator via son lien au thisme. Mais le jeune Attitré n’était pas de filiation directe, de sorte qu’il ne put faire savoir ce dont il avait besoin.

Il vit le visage d’O’nh se crisper lorsque la rude décision s’imposa à lui. Celui-ci contacta le capitaine du dernier croiseur :

« Septar Jen’nh, je vous demande de retarder les faeros. Notre priorité est de veiller à ce que l’Attitré revienne sain et sauf auprès du Mage Imperator. Il doit survivre.

— À vos ordres, tal. Comment dois-je m’y prendre ?

— Les faeros sont différents des hydrogues, mais peut-être que la technique de l’adar Kori’nh se révélera efficace. »

Le septar se plongea dans le silence, mais un instant seulement.

« Oui, Tal O’nh. »

La lumière joua sur les facettes du joyau dans l’orbite d’O’nh.

« Au nom du Mage Imperator, laissez-moi vous dire que la Marine Solaire honorera votre sacrifice, Septar Jen’nh. La Source de Clarté vous accueillera, et La Saga des Sept Soleils se souviendra de vous. »

Sans un mot, Jen’nh coupa la communication. Son croiseur pivota sur lui-même, puis chargea en direction des bolides. Il mena une furieuse attaque avec toutes les armes dont il disposait. Mais les explosions furent absorbées, comme des gouttes d’eau dans la mer.

Ridek’h contempla le drame sur son écran tandis que les autres croiseurs s’échappaient, malmenant leurs propulseurs et leurs systèmes déjà mal en point. Il se tourna, gêné, vers O’nh.

— Que fait-il ? Que peut-il accomplir ?

Le vaisseau du septar Jen’nh fit un écart devant le bolide de tête des faeros, comme pour détourner son attention. Sur l’écran de communication, Rusa’h rugit :

« C’est inutile ! À quoi bon fuir ? Votre… »

Jen’nh le prit par surprise en plongeant directement dans les flammes. La déflagration secoua l’ellipsoïde. Ridek’h éprouva une douleur cuisante lorsque le croiseur fut vaporisé et que les flammes engloutirent chaque Ildiran à bord. Le groupe de faeros fut dispersé comme les flammèches d’un brasier que l’on tisonne. Ils avaient été retardés.

Ce fut suffisant. Les croiseurs lourds s’élancèrent en avant. O’nh activa les propulseurs interstellaires, et les vaisseaux distancèrent les bolides ignés à leur poursuite.

O’nh tourna son œil unique vers Ridek’h qui haletait, empourpré.

— Nous ne sommes pas encore en sécurité, Attitré. Aucun de nous ne l’est.

Un essaim d'acier
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