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JORA’H LE MAGE IMPERATOR
Les myriades de vaisseaux ennemis flottaient dans les airs telles les étoiles dans l’Agglomérat d’Horizon. En tant que chef de l’Empire ildiran, Jora’h affronterait seul les hydrogues.
Puisqu’ils n’avaient pas déclenché d’attaque, il devinait qu’Osira’h avait réussi sa mission. Elle avait ouvert l’âme ildirane à celle des hydrogues. Elle les avait amenés ici, exactement comme les prédécesseurs de Jora’h l’avaient espéré. Aujourd’hui, c’était à lui de jouer.
Il se rendit subitement compte que des étrangers assistaient à ce spectacle. Sullivan Gold, son prêtre Vert, les extracteurs d’ekti, même l’étudiant Anton Colicos. Malgré le dégoût qu’il éprouvait à cette idée, Jora’h savait qu’il ne pourrait leur permettre de répandre la nouvelle au sein de la Ligue Hanséatique terrienne. Nul ne devait révéler la visite des hydrogues.
Jora’h s’arrêta dans le passage menant à la plus haute plate-forme, et parla discrètement à Yazra’h :
— Que les gardes arrêtent nos invités humains. Nous ne pouvons plus leur permettre de retourner dans la Hanse. Ils en ont déjà trop vu.
— Oui, Seigneur, répondit Yazra’h avant de partir exécuter ses instructions.
Je ressemble chaque jour davantage à mon intrigant de père !
Il renvoya ses gardes et monta sur la plate-forme qui surplombait le dôme principal du Palais des Prismes. Personne, pas même l’ensemble de la Marine Solaire, ne pourrait le protéger si les créatures des abysses gazeux décidaient d’ouvrir le feu. Au faîte de la construction cristalline, Jora’h se dressa au su et au vu des hydrogues. Ses vêtements claquaient au vent. Il attendit, l’esprit envahi par un sentiment de mort imminente.
Partout dans la ville, les Ildirans contemplaient le ciel lumineux avec frayeur. Après la rébellion d’Hyrillka, Jora’h avait retissé les fils du thisme et avait de nouveau réuni son peuple. À présent, via leurs rayons-âmes, il tâchait de les apaiser.
Il toisa l’armada de vaisseaux silencieux. Une bulle émergea telle une goutte de rosée de l’orbe de guerre le plus proche. Dès qu’elle se fut dégagée de l’environnement à haute pression de l’orbe, Jora’h perçut la présence d’Osira’h dans le thisme. La bulle s’immobilisa en douceur sur la plate-forme, juste en face de lui, et il aperçut sa fille à l’intérieur. Elle paraissait tendue et épuisée, mais indemne. Son visage était grave, bien trop sérieux pour une fillette.
Jora’h aspira une grande goulée d’air pour se calmer. Étrangement changée – à la fois fortifiée et abattue –, Osira’h s’avança dans la lumière. Mais sa liberté retrouvée ne lui inspirait aucune joie.
— Les hydrogues ont accepté de communiquer avec vous, dit-elle, et ses paroles résonnèrent comme une sentence de mort. Ils sont disposés à accepter une alliance, mais à leurs conditions. Si vous les refusez, père, aucun de nous ne survivra.
Jora’h mourait d’envie d’embrasser sa fille, mais il ne bougea pas quand il s’adressa aux hydrogues dans le ciel :
— En échange de la cessation des hostilités contre l’Empire ildiran, que désirez-vous ?
Lorsqu’elle relaya leur réponse, Osira’h ne croisa pas le regard de son père :
— Les hydrogues requièrent notre aide pour détruire les humains.