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UDRU’H L’ATTITRÉ DE DOBRO
Délivré de son secret, Udru’h volait en direction du continent austral de Dobro. Le pilote trouva rapidement l’île sur laquelle Nira Khali avait été cachée pendant plusieurs mois.
L’Attitré parlait peu, mais il était heureux de ne pas voyager seul, comme de multiples fois auparavant. Daro’h l’accompagnait ; le jeune Attitré expectant était un élève doué, et il avait géré la colonie avec compétence pendant que lui-même s’occupait de son frère Rusa’h. À bord du vaisseau de transport se trouvaient également deux gardes et un lentil, ainsi qu’un fonctionnaire mandaté par le Palais des Prismes et un médecin, au cas où la prêtresse Verte doive recevoir des soins immédiats.
Udru’h jeta un coup d’œil pensif par un hublot au paysage, où se dessinait un grand lac. Avant, il avait dû agir par lui-même, emmuré dans ses pensées, condamné à laisser le reste de ses congénères dans l’ignorance. Aujourd’hui, le Mage Imperator connaissait la vérité.
À côté de lui, Daro’h semblait en proie au doute. Il soupçonnait que son oncle avait commis un acte déplaisant, voire impardonnable. Il n’avait eu qu’un résumé sommaire, mais bientôt tout lui serait expliqué, dès qu’ils auraient retrouvé la prêtresse Verte.
S’il était prêt à s’amender auprès du Mage Imperator, Udru’h ne regrettait rien. Il savait en outre qu’une fois Nira délivrée elle ne lui pardonnerait jamais. Mais il n’avait aucun besoin, aucun désir de son pardon. Il avait agi en accord avec lui-même.
— Nous approchons de l’île, Attitré, annonça le pilote.
Udru’h considéra le paisible lac et sa parcelle de terre tapissée de végétation. La prêtresse Verte disposait de tout ce qu’il lui fallait : le soleil, l’eau, la compagnie des plantes. Tout sauf le contact avec autrui.
Aujourd’hui, son exil touchait à sa fin. Udru’h la ramenait. Si Osira’h réussissait sa mission, alors ces siècles d’expériences d’hybridation en auraient valu la peine. Nira ne le comprendrait jamais, mais peu importait.
L’appareil de transport atterrit sur une longue plage. Udru’h renifla l’air et tendit l’oreille. Daro’h suivit son oncle sur le sable compact, contempla le ciel tropical et les fourrés. Il ne semblait pas vraiment savoir ce qu’il fabriquait là.
Udru’h patienta, mais Nira ne se montra pas. Pourtant, elle devait avoir entendu le vaisseau arriver. Il n’y avait aucun endroit où se cacher, car l’île n’était pas grande. Peut-être avait-elle peur. Elle avait toujours détesté qu’Udru’h vienne la narguer ainsi. Mais elle se montrait toujours.
— Déployez-vous et ratissez l’île, ordonna-t-il. Elle ne peut pas être allée loin.
Les Ildirans s’égaillèrent dans les sous-bois, en criant le nom de Nira. Udru’h se rendit à l’endroit où elle s’était confectionné un abri de fortune au moyen de branches et de feuilles. Un début d’inquiétude lui traversa l’esprit lorsqu’il se rendit compte que la hutte s’était délabrée au point de s’effondrer. Il n’y avait plus personne depuis longtemps.
— Où est-elle allée ? Où peut-elle aller ?
Il leur fallut moins d’une heure pour couvrir chaque arpent de terre. Ils recommencèrent en vain. Udru’h se sentit tituber. Que dirait le Mage Imperator ?
L’île était déserte. La prêtresse Verte était partie.