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JORA’H LE MAGE IMPERATOR
La bataille de Durris-B s’acheva une semaine après que les Ildirans eurent remarqué la présence des hydrogues et des faeros au sein de l’étoile. L’étoile jaune assiégée vacilla… avant de s’effondrer en un soleil noir, son feu nucléaire éteint.
Jamais, en dix mille ans, l’histoire ildirane n’avait connu tel drame. Du système ternaire de Durris, deux étoiles demeuraient : une blanche et une naine rouge, qui orbitaient autour d’une boule cendreuse. Les habitants de Mijistra observaient le ciel, terrifiés.
— Osira’h part immédiatement, ordonna le Mage Imperator.
Dans tout l’Empire, des accès de panique éclatèrent, tels des points d’incendie dans une vaste forêt.
Comme il observait, depuis les fenêtres du Palais des Prismes, la nouvelle tache d’obscurité dans le ciel, Jora’h balaya toute hésitation au sujet de sa fille. Elle devait établir un contact, avant que les hydrogues aient annihilé l’Empire. Personne d’autre n’en était capable, à présent que les robots klikiss les avaient trahis.
La veille au soir, Yazra’h avait chargé, sur son ordre, le vaisseau pressurisé sur l’un des sept croiseurs. Peu après, le tal O’nh avait annoncé que sa cohorte n’attendait plus que lui pour partir vers Hyrillka. Tout arrivait en même temps… enfin.
Arborant diverses armes et accompagnée par ses chatisix, Yazra’h pénétra d’un pas raide dans le hall de la hautesphère. Osira’h, moitié moins haute que sa demi-sœur, la suivait.
La fillette s’arrêta au pied de l’estrade et patienta en silence. À sa vue, le cœur de Jora’h se gonfla des espoirs qu’il avait placés en elle. La veille, après qu’il avait pris la décision de l’envoyer, il l’avait emmenée sur la plus haute tour du Palais des Prismes, afin qu’ils contemplent ensemble la splendeur de Mijistra. Les files du trafic aérien s’entrecroisaient pour former un véritable ballet. En dessous, les sept fleuves rayonnaient de la colline du Palais, longés par la queue interminable des pèlerins, que l’on discernait à peine dans le lointain.
Jora’h avait tenté d’exprimer l’amour qu’il avait voué à sa mère, mais même pour un Mage Imperator il y avait des choses trop difficiles à expliquer. Étrangement, ses révélations n’avaient suscité qu’une surprise modérée chez Osira’h. Il se demanda ce qu’Udru’h lui avait dit au sujet de Nira. Rien d’aimable assurément.
Si elle réussissait sa mission et revenait, il se promit de mieux s’occuper d’elle. Mais en ce moment, le temps lui manquait. À chaque heure qui passait, des vibrations inquiétantes augmentaient dans le thisme, et il ne devait plus différer la mission de sa fille sur Durris-B.
Mais avant qu’il ait formulé son ordre, un messager surgit dans la hautesphère.
— Mage Imperator, cria-t-il, les hydrogues attaquent Qronha 3 ! Nous venons de recevoir un signal de Hroa’x, le chef des écopeurs. Cela vient de commencer, mais leur destruction semble imminente !
Jora’h s’extirpa de son chrysalit. Il s’adressa à Yazra’h et Osira’h avec une urgence renouvelée :
— Vous devez vous rendre là-bas plutôt que sur le soleil mort. Nous avons une obligation de défense envers notre cité des nuages. Et puisque les hydrogues sont revenus nous frapper sur Qronha 3, c’est là-bas que nous les rencontrerons. (Ses larges mains se posèrent sur les frêles épaules de la fillette.) Osira’h, tu dois parvenir à communiquer avec l’ennemi avant qu’il nous détruise tous. Amène-les-moi à tout prix, afin que je puisse leur parler et faire la paix avec eux.
Une nuée de gardes et de fonctionnaires entoura Osira’h et l’entraîna vers la flotte de croiseurs. Jora’h la suivit des yeux, et ses espoirs l’accompagnèrent.
Ce jour était celui des grands changements à venir. Il avait envoyé sa fille à son destin. Il était temps à présent de s’occuper d’Hyrillka. Aujourd’hui même. Plusieurs mondes étaient déjà perdus. Assez ! Il ne saurait tolérer plus longtemps ce vide dans le thisme.
Aujourd’hui était le jour où l’Attitré de Dobro devait affronter Rusa’h.
— Convoquez le tal O’nh, appela-t-il. Nous partons pour Dobro dans une heure. Il nous faut espérer qu’Udru’h aura joué son rôle.