27
OSIRA’H
Le système de Durris abritait trois des sept soleils qui éclairaient le ciel ildiran. Osira’h admira l’amas stellaire, différent de tout ce qu’elle avait vu sur Dobro.
Mais tandis que leur rapide vaisseau approchait du centre de l’Empire, elle se rendit compte que l’un des soleils était condamné.
Durris se composait d’un couple d’étoiles étroitement liées – une blanche et une jaune –, ainsi que d’une naine rouge en orbite autour du centre de gravité des deux premières. Cette configuration instable avait, longtemps auparavant, éjecté les planètes, ne laissant qu’un halo d’astéroïdes dans les confins du système. Rares étaient les Ildirans ayant une raison d’aborder Durris, sinon en tant qu’étape.
En passant au large, Osira’h et l’Attitré de Dobro s’aperçurent qu’une nuée d’orbes de guerre hydrogues et de bolides faeros s’affrontaient au sein du soleil jaune. À en juger par les taches sombres qui le parsemaient, c’en était fait de lui. L’un des sept soleils d’Ildira était en train de mourir !
— Sonnez l’alarme ! ordonna Udru’h au pilote. Envoyez un message au Mage Imperator, afin de le mettre au courant.
Comme le pilote survolait Durris-B, Osira’h rejoignit son oncle à la baie d’observation. Elle ignorait ce que le grand Mage Imperator pourrait bien faire contre une telle catastrophe mais garda le silence. Les yeux brillants, elle contempla les myriades de vaisseaux engagés dans une guerre de titans, où l’étoffe même de l’univers servait de champ de bataille. Des flamboiements déchiraient la photosphère, suivis par une aveuglante armada d’ovoïdes faeros, qui se heurtaient aux milliers d’orbes de guerre au sein d’un océan de flammes.
Osira’h serra les poings. En cet instant, peu importaient les mensonges que son oncle lui avait racontés : ce qui se passait était réel… et dévastateur. Comment l’Empire pourrait-il survivre à une telle conflagration ?
— Qu’est-ce qui va les empêcher de gagner les autres étoiles ildiranes ? demanda-t-elle, la voix empreinte de terreur.
Elle sut sa réponse avant qu’il l’exprime :
— Toi.
Le destin de la jeune fille était de se rendre chez les hydrogues, d’utiliser ses aptitudes télépathiques afin de fusionner son esprit au leur, et de les convaincre de négocier avec le Mage Imperator. Hormis les robots klikiss félons, nul n’avait réussi à communiquer avec les créatures des abysses gazeux.
Udru’h remarqua son hésitation bien qu’elle ne l’ait pas formulée à haute voix.
— Tu représentes l’apogée de centaines de générations. Tant de gens se sont sacrifiés pour produire une personne dotée de ton potentiel… Tu ne dois pas les abandonner. Ni eux ni moi.
Il lui serra les épaules et lui adressa un sourire paternel, persuadé qu’elle ferait n’importe quoi pour lui. Il s’était toujours montré si gentil avec elle. Mais pas avec les prisonniers humains dévolus à la reproduction…
Elle se détourna de lui. Dans son esprit tournoyaient des émotions contradictoires, ainsi que des questions sur Udru’h : ses motivations, mais aussi ses crimes. Avant que sa mère lui révèle la vérité, elle s’était toujours fait une joie de le rendre fier. Avant…
Elle fixa le soleil à l’agonie, les vaisseaux extraterrestres géants, les langues de feu solaire et les ondes réfrigérantes… Peu importaient ses sentiments. Sa réponse fut claire :
— Je ne vous laisserai pas tomber.